05/04/20 - A mon thérapeute

05/04
Confinement J 20

A mon thérapeute

Cette lettre pour vous dire que c'est fini, j'arrête tout !
C'est trop difficile, je n'y arriverai jamais (ce n'est pas de l'anticipation mais c'est la réalité). J'ai été au bout de tout ce que je pouvais et avec tout ce que j'ai en ma possession. 

Mon cerveau refuse de se souvenir, refuse de libérer les émotions, il me manipule et m'aspire vers un gouffre. 

J'ai rassemblé toutes les photos de mon passé (je n'en ai pas beaucoup). J'ai observé chaque coin et recoin de ces photos, je ne me souviens pas. Je me souviens d'une partie de la maison mais pas de la vie dans cette maison. Je ne me souviens pas me lever, me coucher, aller à l'école, faire mes devoirs. Je ne me souviens d'aucun repas, même pas un. Je ne sais pas où je rangeais mes vêtements, mes chaussures, mes jouets, mes manteaux, rien... Pourtant j'y ai vécu jusqu'à mes 11 ans et rien. 

Si, il y a quelques petits flashs mais qui n'ont finalement aucune importance. 

J'ai beaucoup réfléchi à comment retrouver cette mémoire... Et je me suis souvenue que mon père avait porté plainte à la gendarmerie et qu'il y avait des dépositions quelque part. Je l'ai appelé, il m'a dit ne plus rien posséder. Et là, je me suis souvenue que je devais avoir ce dossier quelque part, ici chez moi. 

Je l'avais oublié (dingue !?!) et je l'ai retrouvé. Je l'ai lu et relu. Ma déposition, celle de mon beau-père, de ma mère, de mon père, de mon frère et du couple 'd'amis' qui étaient là pour nous 'aider'. 

Je comprends maintenant pourquoi j'ai un tel sentiment d'injustice. Rien que la première page : Copie des pièces de la procédure suivie à charge de T. D. du chef de viol d'un mineur Dossier n° --- des notices du Parquet Classé sans suite .

Pourtant il y a ses aveux, en tous cas, il avoue une partie des faits. Il minimise, il n'avoue pas tout mais il avoue. Il avoue que depuis son mariage avec ma mère, lorsque j'avais 10 ans, il n'a plus eu de relations sexuelles avec elle, il ne la désirait plus. Il dit entretenir une relation intellectuelle avec elle. Il ne s'estime pourtant pas pédophile. Il avoue venir dans ma chambre plusieurs fois par semaine pour je le cite : 'Il m'est arrivé de l'embrasser sur la bouche en lui passant la langue, je l'embrassais également un peu partout sur le corps et je lui caressais le sexe avec mes doigts et je lui léchais également le sexe avec ma langue'. 

Il était manipulateur et armé d'un revolver de gros calibre SMITT et Wesson. Mon frère et ma mère parlent de son arme et de ses menaces, surtout ma mère. Elle explique qu'elle a été à plusieurs reprises menacée avec cette arme et qu'elle était terrorisée des réactions violentes de sa part. Mon frère parle aussi de son arme et de la peur que ça engendrait chez lui. 

Mon beau-père se défend en disant qu'il ne se souvient pas d'un certain nombre de choses car il était alcoolisé avec exagération. Facile ! Il ment en disant que rien ne s'est passé avant mes 10 ans, il ment en niant certains faits mais ça n'a finalement pas d'importance. 

Ma mère dit qu'il s'occupait bien de moi et qu'il remplaçait même mon père. Qu'il voulait se rendre seul le soir dans ma chambre car il voulait me parler, me raconter des histoires. Elle ne voyait rien d'anormal à ce comportement sauf que j'ai recommencé à faire pipi au lit et que je faisais régulièrement des cystites. C'est lui qui me soignait et il a affirmé que cela venait de la piscine, j'ai donc été privée de piscine. 

Sans me tromper, je peux dire que c'est un médecin, armé, avec des comportements pédophiles, manipulateur et violent. Et la justice classe le dossier : sans suite. Il est reparti, avec son arme, sans suivi psy, sans être embêté, à pouvoir vivre normalement et ausculter plein de petits enfants. Quand je vois, comment moi, je paye toute cette histoire, je ne vois pas comment je pourrais sortir de ce sentiment d'injustice ! 

Ha oui, il a quand même payé : 750 000 FB pour que je ferme ma gueule ! Un petit accord entre lui et moi, bien sympathique, très sain, très réparateur... Hé oui, il y avait prescription ! (3 mois) 

J'ai lu que mon moi adulte devait apprendre à calmer ma partie émotionnelle en observant ce que je ressens (angoisse, peur, tristesse,…) et en lui apportant tout ce qu'elle n'a pas eu : amour, attention, sécurité, soins, …
Pour que ma partie enfant soit apaisée et pour que mes parties protectrices n'aient plus à intervenir. 

Et bien ma partie enfant je l'emmerde !!!! Cette petite conne, je ne la supporte plus, je ne veux plus qu'elle vienne dans ma tête. Elle ne m'amène que de la tristesse et de la peur. Ce n'était pourtant pas si difficile, il fallait le dire, une phrase, juste une. Il fallait le dire à mon père, à ma mère, à mes grands-parents, à mon institutrice, à tout le monde. Une phrase et c'était terminé. 

Mais cette petite conne l'aimait, l'admirait, le protégeait. Je ne peux plus guérir, c'est trop tard, c'est trop dur. Je vais essayer de continuer à vivre avec mon cerveau 'un peu trop joyeux' et quand ça n'ira plus, je vais l'anéantir. 

Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi. 

Je ne lui ai pas envoyé la lettre.


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